Mais, en France, en raison de la dualité des ordres de juridiction d'une part, et de la séparation entre les juridictions administratives de droit commun et les juridictions financières d'autre part, il existe plusieurs corps de magistrats exerçant dans des juridictions différentes, régis par des statuts différents, et recrutés selon des modalités différentes.
Les magistrats répondent de leurs fautes pénales, civiles et disciplinaires dans les conditions prévues par la loi. La responsabilité pénale des magistrats est engagée selon les mêmes modalités que les autres citoyens; il n'existe pas de règles procédurales spécifiques au jugement d'un magistrat, si l'on excepte le "dépaysement" de l'affaire, pratique conduisant à ce que les procédures pénales visant un magistrat soient instruites, poursuivies et jugées par un tribunal qui n'est ni celui dans lequel il exerce, ni celui dans le ressort duquel son domicile personnel est fixé. Il est à noter que certaines infractions prévues par la loi ne trouvent à s'appliquer qu'aux magistrats: ainsi, l'article 434-7-1 du Code pénal dispose que «Le fait par un magistrat, ou toute autre personne siégeant dans une formation juridictionnelle ou toute autorité administrative, de dénier de rendre la justice après en avoir été requis, et de persévérer dans son déni après avertissement ou injonction de ses supérieurs est puni de 7 500 € d'amende et de l'interdiction de l'exercice des fonctions publiques pour une durée de cinq à vingt ans.» La responsabilité civile des magistrats à raison de leurs fautes personnelles, sans lien avec le service, est également engagée dans les mêmes conditions que les autres citoyens, le dépaysement de l'affaire étant là encore prévu. Pour les fautes commises dans le service, l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature prévoit en revanche que « les magistrats ne sont responsables que de leur faute personnelle ». En conséquence, lorsqu’une telle faute se rattache au service public de la justice, leur responsabilité ne peut être engagée que sur action récursoire de l’État. La responsabilité disciplinaire d'un magistrat peut être engagée en cas de manquement "aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité". L'article 43 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précise que "constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive". L'engagement de la responsabilité des magistrats obéit à des règles particulières, caractérisées, fait unique dans la fonction publique, par la possibilité offerte à tout citoyen de saisir l'instance disciplinaire qu'est le Conseil supérieur de la magistrature; toutefois, cette possibilité est encadrée. En effet, les juges ont été dotés d’un statut d’indépendance afin de leur permettre de statuer sans risque d'ingérence d'une autre autorité quant au sens de leur décision. La solution choisie par le juge dans un litige ne peut donc donner lieu à la mise en cause de sa responsabilité civile, pénale ou disciplinaire; il est en revanche possible de contester cette décision au moyen des voies de recours prévues par la loi: l'appel formé devant une cour d'appel, et le pourvoi en cassation formé devant la Cour de cassation. Cette distinction est commune aux grandes démocraties. Ainsi, le Conseil canadien de la magistrature appelle l'attention des justiciables sur le fait qu'"il y a une distinction importante à faire entre la conduite personnelle d’un juge à l’intérieur ou à l’extérieur de la salle d’audience et la décision que rend un juge dans un litige. Si un juge de nomination fédérale a commis un écart de conduite, vous pouvez déposer une plainte au Conseil canadien de la magistrature. Si vous croyez qu'un juge a rendu une mauvaise décision dans un litige qui vous concerne, vous pouvez porter cette décision en appel devant une cour de juridiction supérieure"[2]. De même, l'article 259 bis-15, §3 du Code judiciaire belge dispose que les plaintes portant sur le contenu d'une décision judiciaire ne peuvent être traitées par le Conseil supérieur de la Justice. Aux Etats-Unis, seules peuvent donner lieu à une plainte contre un juge fédéral les allégations de manquement au "effective and expeditious administration of the business of the courts" (28 USC 351[3]), le terme "administration" désignant les qualités attendues du juge en termes de célérité, de respect des procédures et de comportement, et excluant le sens même de la décision. Si la solution au litige choisie par le juge ne peut donner lieu à sanction, un magistrat peut en revanche être sanctionné pour les conditions dans lesquelles il les rend: ainsi, l'action disciplinaire est possible en cas de faute commise dans l'exercice de l'activité, consistant notamment en : retards, partialité, perte de pièces, manquement au secret professionnel. 70 % des sanctions prononcées par le Conseil supérieur de la magistrature le sont d’ailleurs pour ces raisons. Selon des professionnels du monde judiciaire, la question de l'instauration d'une responsabilité des magistrats à raison du contenu de leurs décisions risquerait de les conduire à prendre en partie en compte leur propre intérêt dans le sens de leur décision. Or, selon ces professionnels, il serait très dangereux pour les justiciables que le sens d’une décision de justice puisse dépendre en partie de la nécessité pour le juge de « se couvrir », comme on dit parfois. Une décision de justice ne devrait reposer que sur la loi, les preuves et les arguments apportées par les parties. Ainsi, le député André Vallini et Élisabeth Guigou, ont qualifié de dangereuse l'idée émise par le Garde des Sceaux Pascal Clément d'instaurer une responsabilité des magistrats pour « erreur grave et manifeste ». Il résulte d'une enquête réalisée en 2004 par le député UMP Marc Le Fur, qui a interrogé par des questions écrites ministérielles les différents services de l'État sur le nombre de révocations ou de licenciements prononcés dans chaque service, que les magistrats sont, avec les policiers, parmi les agents de l’État les plus sanctionnés, proportionnellement à leur nombre | |||
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Les magistrats de l'ordre administratif ne relèvent pas, comme les magistrats de l'ordre judiciaire, du statut général de la magistrature, mais de celui de la fonction publique d'État. Toutefois, une partie des dispositions de leur statut particulier est fixée par la loi contrairement aux autres fonctionnaires pour qui elles relèvent du domaine réglementaire. Ils sont recrutés pour la plupart par la voie de l'École nationale d'administration (ENA), et, pour les autres, par le recrutement complémentaire (concours spécifiques), le tour extérieur et le détachement. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 22 juillet 1980, a toutefois reconnu leur existence et leur indépendance, au titre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. | |||
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